La malédiction de Baqboo :
…je m’effondrais sous l’effet de cette magie impie et ce fut la dernière fois que je la vis ; Je pensais être mort et mon adversaire aussi sûrement puisqu’il me laissa mon scalpt. Je me voyais déjà arriver devant le grand feu sacré, accueilli avec honneur par mes ancêtres. Mais l’esprit du feu sacré n’est pas venu me chercher ce soir là. La magie noire ne m’avait pas entièrement vaincu et un souffle de vie restait en moi. Je gisais là cependant et ne tardais pas à m’enfoncer dans le plus tourmenté des sommeils ; des images de sang et d’acier m’enveloppaient. Mon corps entier souffrait et souffre encore de cette nuit là ; oh Baqqie…Je me voyais en monstre de pierre, hurlant et décapitant à tour de bras. De mes haches s’échappaient des gerbes de sang et toute la haine du monde semblait emplir mon esprit. Des hordes d’assaillants échouaient à mes pieds, leurs crânes fracassés sous la violence de mes assauts. L’esprit de la guerre et de la vengeance prenait possession de moi.
Ce furent les coups de becs acérés d’un plainstrider qui me ramenèrent à la vie. Je mesurais alors l’ampleur et la sauvagerie des hommes. Notre village était entièrement dévasté. Les corps de nos frères et sœurs m’entouraient, et de notre tribu j’étais le seul survivant. Je te cherchais parmi les décombres mais ne découvris rien excepté ce médaillon que je t’avais offert pour tes dix sept printemps. C’est alors qu’il m’apparut. Dans les décombres, au-dessus de son corps, l’esprit de Plume-Argentée semblait m’attendre avant de rejoindre ses ancêtres. Il me raconta. Il me dit comment le chaman qu’il était avait combattu la magie noire de nos agresseurs et comment il avait succombé avec honneur à leurs sortilèges maudits. Il me jura surtout que tu étais en vie ; que tu avais pu t’échapper d’entre les flammes. Je pleurais alors que Plume-Argentée me faisait son dernier adieu. Je lui promettais de brûler nos morts et lui demandais de me garder une place près du feu sacré. Les jours qui suivirent furent les plus fous de mon existence. J’errai dans les décombres du village pour préparer le bûcher géant : celui de tout un peuple. J’allumais le feu le soir du troisième jour après la bataille. Tu n’étais toujours pas revenue et je décidais de partir à ta recherche. Alors que je franchissais les collines de la mesa abandonnée, je me retournais une dernière fois sur ce qui avait été notre village. Une fumée noire s’élevait droite et fière vers le ciel, et des profondeurs de la vallée, il me sembla entendre notre chant : le chant des Mohicans. Je serrai une fois de plus ton médaillon dans ma main et, accompagné par les esprits de nos ancêtres, je franchissais pour la dernière fois la Passe de l’Ours. Devant moi, les Tarrides s’étendaient à perte de vue et quelque part dans le grand est, tu étais en vie.